Marie GRENIER dite la « Vierge Rouge » Minéralogiste brivadoise 1877 – 1945
« À tous ceux qui sont vivants, je souhaite continuer leur découverte pour la gloire de la science. Marie grenier », 1936.
Marie-Elisa Grenier, né le 16 juillet 1877 à Brioude, était issue d’une vieille famille brivadoise. Femme d’une vaste culture, maîtrisant parfaitement le latin, (c’est trois sœurs ayant également solide instructions), elle fut tu une autodidacte passionnée de minéralogie et de géologie. Chercheuse inlassable, elle constitua une remarquable collection régionale de minéraux, dont certains échantillons sont déposés dans les vitrines du musée Crozatier au Puy-en-Velay, notamment de beaux spécimens d’agrégats de cristaux fibreux rouge terne de cette Oxysulfure D’Antimoine qu’est la Kermésite. Par ailleurs, Marie Grenier fournit aux écoles de la région de petites collections de minéraux dans des coffrets pédagogiques spécialement confectionnés à cet effet, et comprenant en particulier de remarquables spécimens de bois fossile, vestiges d'une forêt subtropicale pétrifiés dans les eaux siliceuses d'un lac de la fin de l'ère primaire. Personnellement il y a quelques années, Je dégageai près de Lavaudieu, vraisemblablement du même gisement connu de Marie grenier, le tronc d'un palmier.
Ses travaux dans « l’almanach de Brioude » témoignent de ses connaissances géologiques et minéralogique du Brivadois. Faisant notoriété dans cette discipline des Sciences de la Terre, elle fut souvent sollicitée pour ses compétences dans toute l’Auvergne est invitée à de nombreux colloques de Sociétés d’Histoire Naturelle. Elle avait obtenu un prix de l’Académie des Sciences pour son étude substantielle sur « les pierres qui ont servi à la construction de l’église Saint-Julien de Brioude ».
Marie Grenier avait une grande connaissance de la volcanologie du Massif Central et ses idées sur cette question étaient tout à fait partagées par le professeur Philippe Glangeaud de la faculté de géologie de Clermont qui publia en 1913, après plusieurs années de recherche sur le terrain, une carte géologique très documentée, de la chaîne des Puys.
Notre Brivadoise d'un caractère impossible, autoritaire, pratiquement incapable d'entretenir des rapports normaux avec son voisinage, entretenait cependant des relations cordiales et fructueuse avec les érudits locaux épris de Sciences préhistoriques ou géologiques, pionniers dans les disciplines de Sciences naturelles régionale : Oscar Costérizant, architecte du génie rural, féru d’archéologie, Antoine Vernière, avocat à Brioude, fervent archéologues, P. Mamet, professeur d’histoire-géographie au collège de Brioude, passionné d’archéologie, conférencier, P. Mamet donna en 1909, une soirée cinématographique à ses concitoyens Brivadois, en mairie, salle de la justice de Paix, sur « l’histoire de la terre », à une époque où la notion de la dérive des continents n’était pas encore connu. Cette théorie de Wegener (1912) changera par la suite les bases des sciences de la Terre (1). Marie Grenier faisait-elle partie de l’assistance ? Projection qui fut certainement encore réalisée à l’aide d’un appareil équipé d’une lampe à alcool. P. Mamet d'une culture étendue avait déjà développé en 1904, un sujet d’intérêt pratique au Brivadois, à savoir, la « concurrence commercial » et d’ordre politico-militaire sur la puissance des armées allemandes, lors de la guerre de 1870.
L’éminente géologue connaissait Du Comte de Mirbach, réfugié Hongrois qui portait intérêt à la minéralogie. C’est d’ailleurs, sur les indications du Comte de Mirbach, qu’elle découvrit près du château de Faugère, les échantillons de Rutile (minerai de Titane) déposés par la suite au musée Crozatier. Avait-elle connu Pierre de Brun, receveur des Domaines à Blaise ? C’est peu probable. Pierre de Brun quitta la Haute-Loire en 1897. Il avait reçu les encouragements du célèbre minéralogiste Alfred Lacroix pour son intention de réaliser un inventaire minéralogique de la Haute-Loire qui sera publié en 1902. Quant aux frères Pommier, (l’un était professeur de sciences naturelles au Puy, l’autre professeur de dessin et de mathématiques au collège de Brioude), c’est par contre moins certain qu’elle les ait connus.
Toujours est-il que nous ne connaissons pas avec exactitude la destinée des collections de tous ces passionnés de curiosités, (comme on disait alors à l’époque), pourtant certains devaient posséder des cabinets de sciences naturelles à l’instar des grands naturalistes du XVIIIe siècle. De ce fait, des gîtes restent sûrement ignorés, d’autres ont vraisemblablement disparu depuis.
En 1971, je fus sollicité pour inventorier des minéraux qui avaient longtemps séjourné dans les caves de l’ancienne mairie de Brioude, avant son incendie survenu, on s’en souvient en 1965. J’ai le sentiment que cette collection avait dû appartenir à la famille Pommier. Parmi les étiquettes qui avaient souffert de l’humidité au fil des ans, l’une d’entre elle accompagnait un fragment d’ossements parfaitement fossilisé, recueilli dans les premières années de la seconde moitié du siècle précédent (années « géologiques » des frères Pommier). L’étiquette mentionnant les vestiges d’un vertébré précisait le lieu de son prélèvement effectué au cours du fonçage d'un puits dans un jardin du quartier de la rue de la Gazelle à Brioude.
À ma connaissance, c’est la seule trouvaille paléontologique réalisée à Brioude, sur les terrasses alluviales moyenne de l’Allier. Avant son expulsion en Algérie, après le coup d’État de Louis Napoléon en 1851, le sénateur géologue Issoirien A. Pomel avait déjà mis en évidence des vestiges de mammifères dans les sables et alluvions du même niveau, déposés par l’Allier dans les vieux quartiers d’Issoire. Nous devons à Pomel les premières contributions sur la paléontologie de l’Auvergne, comme la première coupe géologique vers 1840 de la Limagne d'Issoire. Pomel sera directeur de l’école supérieure des Sciences d’Alger.
Marie Grenier connut-elle encore les professeurs de Sciences Naturelles Auvergnat : Marcellin Boule, professeur au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, décédé à Montsalvy (Cantal) en 1942. Directeur de l’Institut de paléontologie humaine, il avait découvert en 1892 à Barlières commune de Bournoncle-Saint-Pierre, les vestiges d’un Cadurcothérium vivant à l’oligocène, il y a environ 35 millions d’années. Pierre Bout, décédé en 1984, à l’âge de 79 ans, maître de recherches au CNRS, professeur à la faculté de Clermont-Ferrand, pionnier de la recherche archéologique en Haute-Loire, s’intéressa à la paléontologie du bassin du Puy ; mais ce sont surtout ses travaux sur le volcanisme, notamment sur le Velay qui firent sa renommée de géologue. Et le frère Pierre Grangeon, docteur des sciences, décédé en 1969, professeur pendant de nombreuses années à l’école Saint-Julien de Brioude, assistant au laboratoire de géologie de la faculté de Clermont-Ferrand.
Combien d’autres distingués naturalistes Marie Grenier aurait-elle pu, éventuellement, rencontrer au cours de ses nombreuses années de recherches géologiques ? Pierre Philis, agriculteur à Senèze qui se découvrit une âme de paléontologue, après ses trouvailles de défenses de Mastodontes dans son champ. Cette petite localité de la commune de Domeyrat est devenue depuis un haut lieu géologique d’Auvergne, recelant un gisement de mammifère Villafranchiens connu de tous les paléontologues.
Pierre Philis collabora une dizaine d’années avec Teilhard de Chardin, jésuites, paléontologiste de grand talent, originaire d'Orcines (Puy-de-Dôme). Avant son élection à l’Académie des Sciences, notre savant auvergnat partit en 1923 pour le sud de la Chine ou son équipe découvrit le Sinanthrope, homme de la préhistoire qui connaissait l’usage du feu. Pour remercier Philis de sa généreuse hospitalité. Teilhard de Chardin lui envoya de Chine deux énormes boîtes de thé, d’un noir brillant, ornées de dessins chinois rouge et or. La plupart des fossiles de Senèze sont groupés au Muséum de Bâle où il existe une salle Philis, en l’honneur du paysan-paléontologue qui avait la dernière guerre devait également diriger les travaux sur le gisement de vertébrés de Chambezon, pour le compte de la faculté de Lyon.
Il est bien possible que Marie Grenier ait rencontré Teilhard de Chardin, à l’occasion de ses séjours à Senèze. Quels furent alors ses rapports avec cet homme de science résolument évolutionniste et pour cela tenu en suspicion par les autorités ecclésiastiques ? Un siècle plus tôt l'Abbé Croizet, curé de Neschers près d’Issoire avait été déjà victime de disgrâces les plus radicales de la part de l’église. Les théories d'alors de ce paléontologue sur l’apparition de l’homme sur terre étaient malvenues et en totale contradiction avec les écrits bibliques. L’Abbé Croizet en foulant le sol brivadois découvrir un outillage lithique à Beaumont.
Enfin Marie Grenier avait-elle vu Alfred Lacroix, (son aîné d’une quinzaine d’années, décédé en 1948, auteur d’une série d’ouvrages sur la géologie de la France et de ses colonies), lors de son passage à Brioude en compagnie d’un jeune savant Polonais ? Pour sa part, P. Mamet indique avoir rencontré l'éminent géologue alors qu’il visitait Vieille-Brioude en compagnie du géographe Foncin. A. Lacroix racontait alors à P. Mamet avoir surpris un « gros bonhomme » sur la plage de l’Allier de cette localité, en train de ramasser des pierres qu'il examinait avec soin pour les entasser ensuite dans une musette.
Questionné par A. Lacroix et son collègue Polonais sur l'usage de ces galets, l'homme répondit qu'il avait installé une scie chez son fils (machine dotée aussi d'une meule qui tournait à 1 200 tours) lui permettant ainsi le façonnage de ses cailloux en forme de haches, grattoirs, poinçons revendus ensuite aux touristes comme objets préhistoriques. On devine que cette activité « artisanale » ne fut guère appréciée des deux savants.
Parmi les nombreux chercheurs et savants que P. Mamet vint à rencontrer au cours de sa carrière de géographe-archéologue, nous trouvons le nom du précurseur des recherches sur la paléontologie en Velais : Auguste Aymard (1808-1889), mais Marie Grenier n’était alors seulement âgée d’une douzaine d’années à la mort du directeur des Archives Départementales que fut Auguste Aymard.
Notre exploratrice en géologie et mine a dû connaître, par son beau-frère Louis Michon, le grand industriel de l’Antimoine que fut Emmanuel Chatillon, dont l’épouse née Emma Blain était une poétesse distinguée. Louis Michon, ingénieur chimiste de formation, par ses compétences en divers domaines, notamment en travaux de génie civil, fut le concepteur des cheminées de la première usine d’Antimoine Chatillon, de capacité industrielle, construite en 1904 à Brioude.
Il est bien évident que Marie Grenier connaissait d'autres directeurs d'usine et de mine d'Antimoine. Elle rencontra aussi l'infatigable bibliophile Paul le Blanc (1828-1918), qui lui donna d'abord de belles Variolites ; mais encore, avec ce mémorialiste brivadois, il fut question de la généalogie de la famille Grenier, tâche ordinairement pas toujours évidente à réaliser. Depuis des générations, ce patronyme apparaît infiniment abondant dans le Brivadois. Dans la ligne ascendante direct de Marie Grenier, nous relevons quatre générations successives de Pierre... Grenier : son père (décédé en 1934), son grand-père, son arrière et arrière-arrière-grand-père dit « Jeangrantou » qui fut Brivadois au moins depuis 1754. De même, nous savons que les trois dernières générations furent des vignerons. La mère de Marie Grenier décédée en 1895, était née Madeleine Bertrand, son frère fut notaire à Lorlanges.
L’historien érudit brivadois Albert Masseboeuf alors élève au collège de Brioude, se souvient de Marie Grenier lorsqu’elle conduisait les plus grands en classe de « découverte » pour une leçon de géologie depuis les contreforts brivadois. En les émerveillant par son savoir, elle invitait les élèves à « ouvrir le livre de la nature ». Nous devinons les « joies de la naturaliste » en pareilles circonstances.
Marie Grenier connaissait depuis de nombreuses années une Égyptologue originaire du Puy-de-Dôme qui lui avait offert une statuette en provenance du pays des pyramides. Cette personne, excellente nageuse, effectuait sur les indications de Marie Grenier des plongées dans le lac Chambon connu par ses gîtes fossilifères à cinérites fines, riches en empreintes de feuilles. Héritière par rente viagère de biens de la naturaliste brivadoise, au décès de cette dernière, l’intrépide nageuse se dépossèdera aussitôt de son nouveau patrimoine. Il sera vendu, nous croyons savoir, un artisan serrurier qui transformera les dépendances de la maison en atelier.
Par sa tenue vestimentaire, Marie grenier ne passait pas inaperçu l’heure de se randonnée géologique. Pour plus de commodité, elle regrettait le vieux complet de vignerons de son père de. Chapeau, grosses chaussures cloutées, une imposante Cannes Ferrer, une boussole, un altimètre et une musette lourdement rempli de pierre, au retour de c’est passionnant excursion, de plusieurs jours quelquefois.
Marie Grenier familièrement dénommée « la Margadoune » (2) était une personne dotée d’un caractère original, très autoritaire, parfois quelque peu abusive. Par exemple, n’avait-elle pas vigoureusement imposé à sa nièce (3), alors élève institutrice à l’école normale du Puy, d’occuper ses jeudis à prospecter, en compagnie de ses camarades, le vallon de Polignac où la vallée de la Borne. Il est possible, que « tante Marie » espérait faire recueillir dans des tufs dégagés de l’érosion, les restes de l’énigmatique homme du volcan de Denise, ou bien encore d’autres mammifères fossiles du Villafranchien et du Pléistocène, dans les sables à Mastodonte et les dépôts de coulées boueuses et pierreuse ou de solifluxions de nature périglaciaire. Sans aucun doute, lors de leurs investigations, nos jeunes prospectrices, bien moins exigeantes auraient bien été récompensées, en trouvant de petites bombes volcaniques, souvent remarquablement fuselées, ou des nodules de Lherzolite aux agrégats de cristaux de diopside d’un beau vert.
D’inspiration anarchique, Marie Grenier portait une grande admiration à Jules Vallès et surtout à Louise Michel, ce qui lui valut le pseudonyme de « Vierge Rouge », en souvenir de la révolutionnaire française qui se distingua pendant la commune. On dit même que Marie Grenier perdit l’usage de la parole, le jour d'un Vendredi saint, alors qu’elle préparait la cuisson d’un rôti ; de ce fait, pour pouvoir s’exprimer elle s’accompagnait d’une ardoise. En cette solennelle journée, elle avait même pour habitude, d’aller faire cuire à la vue de tout le monde, un pâté de viande dans le four de son boulanger. Ensuite, elle prenait plaisir à exhiber son bon appétit de pécheresse sur le pas de sa porte. On imagine les railleries de certains passants, d’autres par contre étaient profondément choqués dans leurs pieuses âmes. Comportement bien contradictoire à son éducation reçue dans une école confessionnelle de Brioude. Frappée de paralysie, elle eut une fin misérable : misère à la fois morale à cause de sa maladie et pécuniaire dans ses dernières années, car elle n’avait jamais travaillé et sa passion la plus extrême pour la minéralogie la conduisit même à sacrifier et vendre ses biens immobiliers et son mobilier de valeur (dont, entre autres, un buffet Louis XIII).
Marie Grenier demeurait à Brioude, rue des Olliers. Sa mort est survenue le 17 décembre 1945. Comme on aurait pu s’y attendre, ce décès ne fut pas relaté par une notice nécrologique dans les journaux locaux. L'abeille Brivadoise et l’Echo de Brioude avaient cessé depuis peu d’exister par suite de la situation créée par la guerre. Son nom figurait, d’une façon banale, dans la rubrique de l’état civil d’un seul journal d’alors de Brioude, le « Brivadois », hebdomadaire locale de libération de Brioude.
La « demoiselle de Brioude » qui faisait de la géologie nous avait laissé un souvenir précieux qui serait incontestablement aussi aujourd’hui d’une valeur documentaire. Son appartement transformé en « cabinet de géologie », ses meubles croulaient sous le poids des pierres de sa collection ; de quoi énorgueillir la ville de Brioude d’un remarquable musée de minéralogie. Sa maison vendue, les nouveaux propriétaires utilisèrent le « vieux fond » de sa collection pour niveler la courette attenante à sa demeure. Louis Durand, ingénieur-chimiste et actuel président du groupe géologique de Haute-Loire, racheta en 1945, d’intéressants échantillons minéralogiques qui restaient et les offrit au musée Crozatier du Puy-en-Velay. Naturellement Marie Grenier possédait de remarquables échantillons de minéraux ; ses années de recherches géologiques s'étant déroulées à une époque où de nombreuses mines étaient en exploitation. Constituer de semblables « trésors minéralogiques » serait difficilement réalisable de nos jours. Citons pour mémoire, les intéressants échantillons de Malachite en provenance de la très ancienne mine de cuivre d'Allevier. Pour rappeler l’ancienneté de ce gisement cuprifère, signalons que Martine de Berthereau mentionne dans sa Restitution de Pluton publiée en 1640, une « mine d’Azur » proche de Brioude. Les prélèvements de Marie Grenier ne pouvait que provenir de la dernière et courte période d’activité de cette mine (qui connut de tout temps de simples grattages), exécutée en 1906 par la Société Anonyme des mines du Velay, déjà propriétaire des mines de plomb Argentifère d'Aurouze. Marie Grenier devait d’ailleurs conduire à Allevier, courant 1930, une Société d’Histoire Naturelle de France, en visite dans le Brivadois. Que sont aussi devenus ses écrits et documents ?
Femme austère, entière, peut-être renfermée Marie Grenier ne se mariera pas. Sa sépulture semblerait avoir disparu du cimetière de Brioude au terme, pensons-nous, de la concession mortuaire et sa dépouille a été certainement transférée au champ commun. À l’âge de 18 ans, Marie Grenier fut très éprouvée, ainsi que ses trois jeunes sœurs en assistant à la tragique disparition en couches de sa mère ; nous imaginons les heures tragiques alors vécues dans la maison familiale.
Marie Grenier semblerait aussi avoir porté quelque intérêt aux plantes officinales. Elle aurait affectionné plus particulièrement une plante de la famille des liliacées : le Sceau-de-Salomon qu'elle prélevait dans les bois, à proximité de ses propriétés, sur les côtes de Mazérat à Brioude. Nous pensons que son choix pour cette polygonacée lui fut dicté très certainement pour les vertus médicinales de cette plante et non parce que symboliquement, elle pouvait évoquer par les empreintes de ses rhizomes semblables à un seau, la figure d’une véritable somme de la pensée hermétique. Le Sceau-de-Salomon par ses six branches engloberait en effet, toujours d’après les traditions hermétiques les métaux de base, c’est-à-dire la totalité des métaux. Les occultistes et magistes lui attribuèrent des pouvoirs protecteurs, allons savoir...de l’usage qu’elle fit de cette plante hors de ses éventuelles propriétés thérapeutiques. Après sa mort, il fut trouvé aussi une importante quantité de noyaux de pêches soigneusement remisés ; de leur usage, le mystère également reste entier.
Le nom d'une rue ou de l'impasse d'un lotissement des nouveaux quartiers de la ville de Brioude pourrait être attribué en souvenir de notre minéralogiste. Nous pourrions ainsi tirer, à présent, son nom de l'oubli d'autant plus qu'il s'agissait d'une femme qui aujourd'hui éveille notre curiosité et suscite notre admiration par ses connaissances des sciences de la terre et par les résultats de ses recherches. Une façon aussi de faire une sorte de réhabilitation après les outrages d'une époque qui était bien loin d'admettre qu'une femme puisse embrasser la carrière d'ingénieur des mines ; si son choix en avait été ainsi.
Si je n’ai pas connu moi-même Marie Grenier, par contre, j’ai eu le plaisir en 1970 de faire connaissance de « Mémé Tourmaline ». Assurément, cette autre pittoresque minéralogiste Auvergnate ne manquait pas non plus d’originalité. Elle n’avait pas su attendre sa retraite de clerc de notaire pour se passionner, depuis déjà des années, pour la minéralogie et la botanique. Elle avait identifié, à ce propos, une variété peu commune de fougères.
Il me fut agréable de pouvoir conduire à plusieurs reprises cette alerte septuagénaire joviale et affable sur des gîtes minéralogiques lozériens. Ses meubles et chaque marche d’escalier de sa petite demeure de Saint-Chély-d’Apcher s'affaissaient sous le poids des minéraux et des fossiles dont de géantes et spectaculaires ammonites entièrement pyriteuses.
À ma connaissance, avant nos minéralogistes auvergnates, deux autres femmes s’étaient intéressées aux « choses géologiques ». Tout d’abord, Martine de Bertereau (1590-1643), née dans une famille noble du Berry ou de Touraine - s’occupant depuis longtemps de la Science des Mines - épousa, en 1610, Jean du Chatelet (1578-1645), originaire du Brabant, Baron de Beausoleil et d’Offenbach, de plus de dix ans son aîné.
Le Baron de Beausoleil, après avoir visité les mines du Tyrol et du Trentin, serait venu en France, une première fois en 1601, sur l’invitation du Baron de Beringhen, premier valet de Chambre d’Henri IV et Contrôleur général des Mines de France, à une époque où les mines françaises étaient pratiquement inexistantes.
Les deux époux effectuèrent de longs voyages, tant en provinces de France qu'à l'étranger. Ils seraient peut-être même allés aux lointaines Amériques, toujours accompagnés d'une nombreuse suite, comprenant plus de soixante mineurs allemands et hongrois qu'ils entretenaient à leurs frais, et d'un grand attirail d'instruments astrologiques. Pour sa part, Martine de Bertereau, d'une sympathie à la puissance occulte des esprits, comme dirait encore les spirites, pratiquait la baguette divinatoire pour découvrir les gisements de métaux et la nature spécial des gisements.
Le Baron et sa femme seront arrêtés en 1640, en compagnie de la plus jeune de leurs trois enfants, Anne, âgée d’une dizaine d’années, par décision du Cardinal de Richelieu, sous prétexte de magie et de sortilèges, mais en réalité, ils furent l’objet d’attaques de la part des autres experts miniers du pays. Il est vrai aussi, que le travail des mines pouvait soulever, à cette époque, la dangereuse suspicion d’un secret commerce avec les démons. Les deux malheureux talentueux prospecteurs périront en prison, leur plus grand tort fut d’avoir été en avance de trois siècles sur leur temps. Le Baron fut envoyé à la Bastille et la Baronne avec sa fille, à Vincennes.
Martine de Bertereau nous laissera un inventaire général des ressources minérales du Royaume de France, au titre mystérieux : « La Restitution de Pluton ». Dans son mémoire, obtenu au prix de grandes difficultés et de courses souvent malaisées, sinon périlleuses sur le terrain, la Baronne rapporte l’existence de quelques mines de la région de Brioude. Reconnaissons à cette femme éminente d’avoir donné, la première, l’éveil sur l’étendue des richesses minéralogique de la France et montré tout le parti qu’il était possible d’en tirer pour la prospérité de ce pays. Malheureusement, la somme de ses recherches ne fut pas appréciée à sa juste valeur par les autorités de l’époque.
Au cours du XIXe siècle, une autre femme, hors du commun, viendra à se passionner des Sciences géologique : une Avignonnaise, Rose Escoffier, née Guérin, décédée en 1897, fille d’un pharmacien de Visan qui s’intéressait aux Sciences Naturelles.
Dès sa sortie du couvent de la Visitation, Rose Escoffier rassemblera pour sa part, une riche collection paléontologique déposée au Musée Requien d’Avignon. En sa mémoire, son nom sera donné à des fossiles régionaux en utilisant la terminologie géologique latinisée, (il est d’usage depuis longtemps déjà, d’attribuer des termes latins dans le domaine scientifique en général). Ainsi, des Potamides basteroti prirent le nom de Paludestrina escoffierae et autres Castéropodes fossiles, celui d'Helix escoffierae.
Parmi ses correspondants géologues, nous relevons les noms de : Fontanes, Tournouer, Scipion-Gras, Requien, Raspail, puis celui d’une anglaise Hélène Taylor de Londres.
ALMANACH DE 1924
Pages 98 à 106
TABLEAU DES PRINCIPAUX MINÉRAUX, ROCHES
ET COMBUSTIBLES DE LA RÉGION DE BRIOUDE
EMPLOYÉS DANS LES CONSTRUCTIONS, L'INDUSTRIE,
LES ARTS DÉCORATIFS, LA JOAILLERIE
ET UTILES EN AGRICULTURE
À la période où Marie Grenier dressa le Tableau des Principaux Minéraux, Roches et Combustibles de la région de Brioude, nous étions dans les deux premières décennies du vingtième siècle ; le sommet de l’industrie minière de la France était presque atteint, l’industrie métallurgique se trouvait à l’apogée de son développement.
Cet inventaire dresse pratiquement la liste de toutes les ressources alors reconnues en matières premières de la circonscription minéralogique de Brioude, augmentée de leurs usages dans l’industrie. Par contre, il ne donne pas une appréciation valable des possibilités économiques des gisements. Il est vrai que si certains indices apparaissaient d’emblée sans intérêt économique, autant par la nature de leurs substances que par leurs réserves potentielles, pour d’autres, leur évaluation ne pouvait, en fait, se réaliser seulement au cours des travaux d’exploration ou d’exploitation.
Les moyens d'investigation dans la recherche minière de l'époque était d'ailleurs peu élaborés et ne permettaient pas toujours une prospection, comme depuis quelques années, nous en avons la possibilité par des moyens géochimiques et géomécaniques qui apportent des résultats plus rationnels et fiables sur la nature et les réserves des gîtes miniers, à l'exemple de ce qui fut entrepris par le BRGM au cours des années 1960-1970, dans le district à Antimoine Brioude-Massiac, sous la responsabilité de J. J. Périchaud, notamment lors de la réalisation de sa thèse magistrale, sur les possibilités économiques de ce district minier.
Dans certaines contrées de la région de Brioude, de temps à autre, de conséquentes campagnes de prospection sont également entreprises, en général par l’Uranium. De même, depuis ces dernières années, on porte intérêt à certains gisements métallifères de notre région, censés receler quelques teneurs en Or.
Par leur réserve appréciable et leur nature stratégique d’alors, certains gisements miniers de cette région du Massif Central français ont apporté une contribution aux réalités économiques à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, tant pour les besoins locaux que régionaux et nationaux.
Tout d’abord, des charbons gras et anthraciteux qui furent à l’origine des exploitations des bassins houillers, d’une durée et d’une importance inégales : Brassac-Sainte-Florine, Lamothe-Billanges, Langeac-Marsanges. En Antimoine, le district minier Brioude-Massiac, deviendra pour cette substance métallique, une réalité économique d’une relative importance, dans le contexte social de l’époque avec la création d’usines de traitement du minerai : la Stibine. De ce fait, pouvons-nous même, parler de métallurgie brivadoise ? En sulfate de Baryum, la région de Brioude possède de nombreux filons barytiques qui permirent une activité minière, de très modestes travaux sur la plupart des gisements se déroulèrent essentiellement entre 1840 à 1920. Avant son acheminement par bateau sur la rivière Allier, la Barytine était broyée dans des moulins qui fonctionnaient sur la Senouire, l’Alagnon et la Couze d’Ardes.
En Spath-fluor, les gisements de fluorine, plus restreints dans l’espace, connurent une exploitation plus importante de 1960 à 1977 : mine d'Aurouze, Chavaniac-Lafayette, Barlet. Grâce à quelques affleurements de bancs calcaires de la cuvette sédimentaire de Brioude, une demi-douzaine de fours à chaux artisanaux seront créés vers 1840-1860. Il sera également réalisé quelques tentatives infructueuses d’exploitations d’Amiante.
Autre ressource avantageuse du sol de la région de Brioude : l’Argile, qui contribua surtout avant-guerre, à une prospérité de l’industrie de la briqueterie et tuilerie. À présent, seuls les produits de carrière sont encore utilisés, selon les besoins en granulat et en terre cuite pour l’essentiel.
ALMANACH DE 1930
Pages 140 à 153
LES PIERRES GUÉRISSEUSES
« Nos aïeux, naïfs et crédules, faisaient grand cas de toutes les Pierres Guérisseuses et avaient une foi profonde dans leurs vertus. Les temps ont changé ; la médecine a bouleversé la science des devins, et de tout cela il ne reste aujourd’hui que de curieuses légendes, qui ont cependant un certain charme et qu’il est bon de ne pas laisser disparaître sans les signaler ».
C’est ainsi que Marie Grenier conclut sa note sur les Pierres Guérisseuses en nous rappelant que dès l’époque Néolithique l’on en fit usage. Certaines pierres étaient considérées comme talismans, propres à guérir et à préserver les hommes et les animaux de presque toutes les maladies.
Cependant, à l’heure de la communication spatiale, de la robotique, de la médecine moléculaire, à la veille de son troisième millénaire, l’homme a toujours recours dans son instinct de survie aux Pierres qui assurent la santé. Seulement des mots nouveaux sont apparus pour dénommer cette médecine magico-thérapeutique : ce sont la Cristallographie pour les roches et minéraux en général et la Métallothérapie, concernant l’usage des sels métalliques dilués à doses infinitésimales, pour ne pas alors parler de « poudre magique ». Le Cristal outil de guérison, (nous comprenons par ce vocable les Pierres Précieuses), semble actuellement en vogue aux États-Unis pour son principe actif, peut-être par modification de nos champs magnétiques défectueux. Ainsi la médecine des pierres nobles, par son prix souvent élevé tend à devenir une thérapeutique de classe, certainement la plus exposée aux mots modernes.
Désormais, si la médecine moderne connaît des mots scientifiques concernant la médecine des Pierres, l’usage on est aujourd’hui bien moins « archaïque » que celui décrit par Marie Grenier dans sa note de 1930. Cette médecine dit populaire était encore familière chez nous dans un récent passé. Dans ses passionnants propos, nous lisons, par exemple, l’emploi à Grenier-Montgnon des nodules creux de Limonite nommés aussi « Aetites ». Ces pierres étaient considérées comme souveraines contre les douleurs de l’enfantement, d’où leur nom populaire de « Pierre des Femmes ».
Marie Grenier trouva elle-même quantité de pierres aux vertus de guérison, entre autres : Variolite, Serpentine et Fribolite. Les deux premières étaient recherchées comme pierres de venin ou à serpent, la troisième servait à se préserver de la foudre. D’autres roches lui seront données par des gens de rencontre, au cours de ses « excursions » qui duraient parfois, nous croyons savoir, plusieurs jours. Chez Soulier, charron à Bonnac, on lui montra cinq Variolites pêle-mêle avec des haches de Fribolite auxquelles on paraissait beaucoup tenir.
Ces pierres « d’une nature généreuse », nous apprend Marie Grenier, revenaient à l’aîné de la famille, lors des partages. Elles ne devaient pas sortir de la maison car elles étaient considérées comme de grande valeur par leurs possesseurs qui ne les auraient pas vendues.
Depuis plus de deux décennies à présent, lors de mes prospections géologiques, au cours de rencontre avec les gens du pays, j’ai tenté, en vain, un recensement de ces « pierres de guérison » qui semblent avoir disparu de nos campagnes et même ignorées de la mémoire collective. On ne peut que le regretter.
À la lecture de ces travaux sur les Pierres Guérisseuses, il est évident que Marie Grenier, pour ses recherches, avait parcouru monts et pleines pendant une quarantaine d’années. On la rencontrait même au-delà des contrées brivadoises, notamment au lac Pavin, sur les montagnes à vaches du Puy Mary, sur le plateau de Perrier près d’Issoire. Encore en 1916, alors que la France était meurtrie par la guerre, les villes et les campagnes vidées de leur jeunesse, les femmes aux champs ou à l’usine pour remplacer les hommes, voire sur le carreau des mines au trie des minerais ou du charbon, Marie Grenier s’affairait sur les déblais d’une ancienne recherche d’Amiante en des lieux, à l’époque pas commode d’accès, entre les hameaux de Bonnefont et Farreyrolles, commune de Chassagne.
En parcourant l’inventaire des Massifs de Péridotites Serpentinisés du Haut Allier, dressé en 1964 par F. -H. Forestier, on constate également que Marie Grenier avait porté intérêt à d’autres gîtes Amiantiforme dont, pour certains d’entre eux, elle en fut l'inventrice.
Comme nous l’avons dit, d’une tenue vestimentaire excentrique, Marie Grenier ne devait pas passer inaperçue lors de ses randonnées géologiques, ne serait-ce que par le port du pantalon qui en ces premières décennies du siècle, était encore à peine convenable pour une femme.
La minéralogiste brivadoise avait-elle eu sa vocation pour les Pierres lorsque son père trouva dans ses vignes, de beaux galets de Fribolite appelés autrefois « Pierre de foudre » ? C’est possible. Longtemps, on attribua à ces « pierres du tonnerre » les vertus de préserver de la foudre, parce qu’on les croyait tombées du ciel.
ALMANACH DE 1931
Pages 124 à 131
ÉTUDE SUR LES PIERRES
QUI ONT SERVI À ÉDIFIER
L'ÉGLISE SAINT-JULIEN DE BRIOUDE
Incontestablement la basilique Saint-Julien de Brioude et un joyau de l'art roman en Auvergne. Ses origines sembleraient remonter au IVe siècle après qu’une chapelle fut érigée sur le tombeau du Saint.
Reconstruite au IXe siècle, après avoir été brûlée à plusieurs reprises par les Visigoths et les Burgondes, elle fera l’objet depuis le XIIIe siècle de successives restaurations ; un pavement de galets unique en France, daté de la fin du XVème siècle, fut mis à jour ces dernières années. De même, tout récemment, des arcades en pierre de taille, dont l’une ornée de billettes, étaient mises à jour dans la chapelle de la Croix, située entre la sacristie et le porche nord. Selon les spécialistes, il s’agit d’enfeux (sépulture sous arcade). Lors de cette importante découverte, le journaliste d’un quotidien régional, écrivait à propos de la Basilique : son potentiel Roman est au point de la faire devenir réellement l’un des plus authentiques hauts lieux de l'art roman français.
Les « bâtisseurs de cathédrale » ont su judicieusement lier la solidité des matériaux se taillant facilement en pierre d'appareil et retenir également leurs propriétés ornementales, à l'exemple de la chaude coloration du au grès rouge d'Allevier et à celle des brèches basaltiques rouge-ocre des carrières du Piè de la Vergueur près de Saint-Just.
Nous recommanderons aux lecteurs de l’Almanach, fervents ou seulement curieux d’art et d’architecture, de se rapporter à la note de de Marie Grenier, pour se laisser guider dans leur appréciation, sur cet édifice de beauté, sobre et logique, de plus pur style roman. Pour ma part, j’attirerai l’attention des naturalistes et leur conseillerai de bien vouloir se rendre au volcan strombolien du « Pié de la Vergueur », d’où la majorité des pierres fut retirée pour l’édification de la Basilique, pour observer à la base de cet appareil éruptif, en regard du Ceroux, d’intéressantes curiosités géologiques. Tout d’abord, une brèche de progression, produit précurseur de coulées, essentiellement constituée de matière volcanique hydratée et de fragments de roches arrachées au socle cristallin encaissant. Cette accumulation de cendres volcaniques semblerait contenir un niveau fossilifère à plantes.
Ensuite peu avant Ladignat, à la côte de la « Pierre Nierra », la roche volcanique en contact avec son encaissant cristallophylien, offre le plus bel effet d’un métamorphisme thermique réalisé lors de la pénétration de la lave dans la cheminée du volcan en se frayant un passage dans la fracture du socle. En dessous de la route, il reste à découvrir, depuis le front d’avancement de la coulée, de non moins remarquables prismations d’orgues Basaltiques.
Les pierres ornementales de l’édifice roman de Brioude viennent aussi constater, en un aspect bigarré fort séduisant, avec les chapiteaux en grès blanc de Beaumont et le basalte poreux gris-vert du volcan de Senèze. Les colonnes monolithes du chœur sont également en grès calcaire de Beaumont. Quant aux colonnes engagées, elles sont en « granulite » ainsi que les bénitiers ; voir à propos de cette roche éruptive, la note de Marie Grenier sur la carrière de Vieille-Brioude.
Si dans sa note sur la Basilique, notre minéralogiste indique que les remarquables gargouilles en basalte noir que nous pouvons admirer sur la façade d'un immeuble au n° 10 de la rue Séguret, proviennent du clocher carré démoli sous la Révolution au moment d'ailleurs ou la Basilique serait devenue pour quelque temps le « temple de la raison » et où le culte de la liberté fut célébré, par contre, Albert Masseboeuf (4) ne semble pas d'accord sur les origines de ces gargouilles désignées outrageusement Romanes alors qu'elles sont Gothiques et proviennent de l'ancienne église Saint-Pierre dont deux têtes de piliers subsistent encore dans la rue du même nom.
Rappelons enfin que Marie Grenier obtiendra un prix d’Académie des Sciences, à la suite de son étude sur « les pierres qui ont servi à édifier la basilique Saint-Julien de Brioude ».
ALMANACH DE 1931
Pages 133 à 140
LA CARRIÈRE DE GRANULITE
DE VIEILLE-BRIOUDE
ET SES ABORDS
Dans ses considérations pétrographiques sur les roches granitiques de la carrière de Vieille-Brioude, employées en 1830 à la construction du pont de cette localité, Marie Grenier reprenait encore en 1931, la pétrographie des anciens auteurs en qualifiant de granulite, ce granite intrusif filonien faisant partie d’un accident majeur, que l’on peut effectivement suivre depuis Vieille-Brioude à Lempdes, par un décrochement du socle cristallin marquant en quelque sorte, une des marches d’escalier de la subsidence du bassin de Brioude-Brassac.
Le granite de Vieille-Brioude est aujourd’hui déterminé par les pétrographes, comme un Leucogranite à deux micas (Biotite et Muscovite). Par le préfixe leuco, comprenons des roches magmatiques, riches en minéraux dits « blanc », c’est-à-dire en Quartz et en Feldspath.
Les « granulites » forment (comme d’ailleurs le granite intrusif de Vieille-Brioude), des affleurements dans les socles anciens (Précambrien). Les granulites sont des roches réalisées dans des conditions de haute température et de haute pression. Sur le plan minéralogique, elles se caractérisent pratiquement par l’absence de micas et de sillimanite ; de plus, elles sont de structure finement granoblastique (cristaux de taille sensiblement égal), orientée avec Quartz et Feldspath dominants. Analogie de structure représentée, il est vrai, dans le granite de Vieille-Brioude, (tout en n'étant, nous l’avons relaté, pas une roche granitique), d’où les considérations pétrographiques erronées, données aux Leucogranites par les anciens auteurs Fouqué, professeur au collège de France et Michel Lévy, au siècle dernier. Roches le plus généralement d’origine intrusif, d’expression tardive, tout en recoupant des formations métamorphiques, elles n’ont pas subi un métamorphisme intense, propre au faciès granulite.
C’est seulement en 1968, suite aux travaux de B. Lasnier, J. Marchand et F. -H. Forestier, que furent mises en évidence dans la région de Brioude, des roches répondant aux critères pétrographiques et zonéographie des granulites, jusqu’alors totalement inconnues dans le Massif Central français et qui furent retrouvées ultérieurement dans d’autres parties de ce massif.
Soyons indulgent : Marie Grenier pouvait bien ignorer la nouvelle détermination des caractères fondamentaux du faciès granulite réalisé dans des conditions métamorphiques très anciennes, de haute pression, défini seulement quelques années plus tôt à Eskola en 1920. Dans la région de La Chomette et Saint-Ilpize, le domaine granulitique apparaît en affleurements lenticulaires, métriques à décimétriques, de roches de chimisme acide, allumineux, basique, ultrabasique et carbonaté, telles que : Eclogites, Pyrigarnites, Norites, Amphibolites à Pargasite et Corindons, Péridotites à spinelle, Dolomies métamorphiques. Toutes ces roches contiennent le cortège des minéraux haute pression, haute température.
Notre brivadoise, exploratrice en géologie et mines, fut victime, nous venons de le voir, de l’évolution des idées sur les critères pétrographiques et minéralogiques du faciès granulitique. Par contre, ses considérations sur l’âge Cambro-Dévonien, donc à l’ère primaire, de ce Leucogranite en filon d’une puissance variable, voir de quelques centimètres à une centaine de mètres, depuis Vieille-Brioude à Lempdes, soulignant ainsi la principale direction de la tectonique cassante du bassin d’effondrement de Brioude, ne sont pas remises en cause, d’une part, par l’absence d’une datation absolue, d’autre part, il s’intègre totalement dans la chronologie esquissée des événements majeurs ayant affecté l’ossature polymétamorphique régionale à l’ère géologique considérée. Ce granite intrusif se serait finalement mis en place au début du Carbonifère. Par ses propriétés de roche à grain fin, se prêtant aisément à la taille, elle fut utilisée pour la réalisation des bénitiers de la Basilique Saint-Julien de Brioude.
Parmi les autres observations minéralogiques en relation avec la carrière de Vieille-Brioude, nous retiendrons l'existence d'un magnifique filon de Quartz fibreux, d'une belle teinte rose, prenant effectivement en écharpe la carrière de cette localité. Filon précédemment décrit en 1824 par J. Pommier dans le journal la Haute-Loire.
Cette curiosité minéralogique aurait disparu, nous précise Marie Grenier, suite à la construction du pont enjambant l’Allier. Néanmoins, il subsiste des échantillons de Quartz fibreux, du plus bel effet, en provenance de Vieille-Brioude, déposés dans les collections minéralogiques des musées du Puy-en-Velay et de Clermont-Ferrand.
Enfin l'érudite brivadoise, rappelle à juste raison, que la rivière l’Allier est l’un des plus vieux fleuve d’Europe. Elle se jetait dans l’océan quelques périodes géologiques, avant que la Loire, simple bavure des lacs du Velay, ait réussi à s’ouvrir un passage aux gorges de Lavoûte et au barrage de Miaune Gerbizon.
Permettons-nous de préciser à propos de l’ancienneté de l’Allier, l’absence de galets d’origine volcanique des terrasses alluviales les plus anciennes déposées à 450 mètres au-dessus de son cours actuel, notamment sur les hauteurs de Costecirgues.
Ces alluvions à galets de roches granitiques et quartzeux se déposaient déjà dans la cuvette de Brioude et au-delà de la grande Limagne clermontoise, il y a une quinzaine de millions d’années, avant la mise en place des volcans Devez âgés d’une douzaine de millions d’années pour les plus anciens, échelonnés dans la partie de la haute vallée de l’Allier.
Pour la plus grande satisfaction des pétrographes, j’ajouterai que ce granite intrusif est en contact avec des Anatexites à cordiérite qui montrent non seulement leurs caractères migmatiques à ségrégation d’un matériel granitique et foliation se perdant plus ou moins, mais de plus, la cordiérite et apparaît en granules centimétriques ayant une tendance vers le bleu-vert.
ALMANACH DE 1932
Pages 150 à 155
BLASSAC
SES VOLCANS, SES GROTTES
SON ÉGLISE
Il est bien légitime, que Marie Grenier, étant fille de vigneron, nous ait tout d’abord fait partager ses sentiments sur l’abandon, déjà en 1932, du vignoble dans les alentours de Blassac ; l’un des côtés pittoresques de ce coin du val d’Allier, où la vigne fut peu à peu remplacée par les champs et les jachères envahies par les ronces. Elle attire également notre attention sur les curiosités architecturales et les trésors de l’église de Blassac, en partie romane et gothique. La croix, au fond de l’ancien cimetière, en grès houiller de Langeac, serait selon Marie Grenier du XVe siècle. En observant les pierres employées à la construction des murs du vieux cimetière, notre géologue en viendra à découvrir une Pieta affreusement mutilée, en marbre de Lauriat exploité dès l’époque gallo-romaine (5).
Ensuite, c'est l'âme de la géologue qui s'exprime sur les principaux traits Géomorphologiques les plus spectaculaires, de cette partie de la vallée moyenne de l'Allier, liés à des événements volcaniques particuliers à cette région de Brioude ; ne serait-ce que par les impressionnantes colonnades d'orgues basaltiques, parfois en éventail, fossilisant part ailleurs les terrasses alluviales quaternaire de l'Allier, plus précisément au cours du Villafranchien. Événements géologiques qui évoquent un âge relativement récent de ces manifestations volcaniques de 2 à 6 millions d’années environ.
Par suite d'un phénomène de retrait, aux dépens de ces couvertures éruptives, il se réalisera des abris sous roches, contenant le patrimoine préhistorique du val d’Allier.
Nous restons stupéfaits de lire que les propriétaires de Blassac, comme ceux de Chanteuges et Saint-Arcons, ont vidé leurs grottes pour fumer les vignes ; fumure efficace, comme le souligne Marie Grenier, car à l’époque Magdalénienne, les débris de cuisine provenant des animaux tués à la chasse s’accumulaient autour des foyers. Marie Grenier accompagnera en avril et octobre 1930, les membres du Groupe d’Études et de Recherches préhistoriques de la Société d’Histoire Naturelle d’Auvergne qui visitaient l’abri sous roche de Blassac, sous la direction d’Oscar Costérizant (architecte du génie rural à Clermont-Ferrand). Ce féru d'archéologie, originaire de la Ribeyre, serait avec son frère aîné Gustave le découvreur de cet abri naturel.
Marie Grenier devait rapporter du refuge de Blassac, des instruments de silex et les percuteurs qui servirent probablement à les tailler ; découverte réalisée contre le rocher de basalte dans une couche durcie. Bien d’autres gisements de grottes Magdaléniennes de cette contrée ont éveillé la curiosité d’archéologues régionaux de l’époque, à savoir, M. Boule, A. Vernière et P. de Brun.
Ces puissantes carapaces de coulées volcaniques définies pétrographiquement au sens large du terme comme des coulées basaltiques, se sont aussi révélées de receler les prémices du berceau de l’humanité, depuis les constatations paléontologiques mises en évidence à la fin du siècle dernier est confirmées aujourd’hui par la découverte des galets aménagés attestant l’occupation humaine de cette région, il y a au moins 1 900 000 ans, grâce aux travaux du professeur Ch. Guth et son assistante Mlle O. Bœuf de l’université de Poitiers. Les résultats de ces recherches ont été publiés par les deux universitaires, notamment dans les Almanachs de Brioude, les restes fossiles découverts sont exposés depuis peu au Musée de Paléontologie de Chilhac.
Pour ses randonnées géologiques en val d'Allier, Marie Grenier empruntait depuis Brioude les dessertes ferroviaires. Elle descendait alors, à la station du PLM la plus proche du lieu de ses investigations qu’elle rejoignait à pied. Ne la voyait-on pas, par exemple, en gare de Rougeac, partir gravir courageusement les pentes des montagnes volcaniques du Mont Coupet, du Briançon ou encore du Pié du Roi ?
ALMANACH DE 1936
Pages 5 à 30
NOTICE SUR L'ANTIMOINE
SES MINES D'AUVERGNE - SON EMPLOI
Lors de la parution de la notice de Marie Grenier sur l’Antimoine, l’exploitation de cette substance métallifère était pratiquement entrée, dès la fin des années vingt, dans une phase de déclin. Depuis 1870, le district à Antimoine de Brioude-Massiac avait, avant la crise économique de 1930, contribué jusqu’alors d’une façon non négligeable au développement économique de cette région du Massif Central français. Dans la première décennie du siècle, cinq fonderies de capacité industrielle fonctionnaient pour la transformation du minerai d’Antimoine en sulfure fondu ou en Antimoine sublimé.
Désormais, sur quelques gisements antimonieux, il ne subsistera qu’une activité sporadique, jusqu’en 1966 pour la mine d'Ouche près Massiac. Cette dernière s’était modernisée en 1945, en s'équipant spécialement d’une unité de grande capacité d’enrichissement de minerai de faible teneur, par voie dite « humide » en laverie, permettant un concentré de 50 à 55 % d’Antimoine.
Évidemment, dans son intéressante notice, Marie Grenier nous fait part tout d’abord, des premières utilisations de l’Antimoine retrouvées dans un village préhistorique espagnol. Par la suite, elle nous précise que la teinte jaune des verres de couleur ornant l’église Saint-Julien de Brioude du Ve siècle, dont parle Grégoire de Tours, devait devoir sa coloration à l’Antimoine qui servit aussi à colorer les cubes de verre des mosaïques romaines.
Comme nous l’indique la naturaliste brivadoise, nous retrouvons encore l’usage historique de ce minéral chez les anciens qui l’employaient surtout en tant que médicament et cosmétique. Ensuite, après des exemples d’usage industriel de l’Antimoine, au cours de la principale période d’activité de nos mines, Marie Grenier nous communique quelques dates sur les activités des gisements antimonieux ayant contribué au développement minéralogique du district minier Brioude-Massiac.
Les mines de ce district employaient une main-d’œuvre essentiellement locale, d’agriculteurs-mineurs dans un contexte de gisements métallifères, dispersés dans un milieu rural de demi-montagne, voués jusqu’alors à l’agriculture et le redevenant par la suite. Région minière ne revêtant pas de ce fait un aspect traditionnel, comme les bassins houillers aux classiques décors de tristes pyramides de crassiers, devant une uniformité de corons, ghettos d’une singulière standardisation d’un environnement social, lié à l’une des structures économiques de l’homme du XXe siècle.
L’attribution de concessions établie d’abord à la Révolution par ordonnance royale, puis la loi minière du 21 avril 1810, mettront fin à des privilèges particuliers, suscitant bien des rivalités, chicanes, procès de toutes sortes, entre des personnes prétendant aux mêmes avantages. À cet égard, Marie Grenier nous relate les droits exceptionnels dont jouissaient, avant la Révolution, les sieurs Veyron et Compte, suite à un monopole exclusif d’exploiter les mines d’Antimoine d’Auvergne. À ce propos, les Archives de la Haute-Loire possèdent d’intéressants documents, de quoi plaire à une âme de juriste.
Dès le début du XXe siècle, avec l’ère industrielle naissance, les besoins en Antimoine devenant de ce fait plus considérables, la plupart des mines concédées le seront à des sociétés ou compagnies minières, dont certaines se succéderont fréquemment. La production cumulée de l’Antimoine fut néanmoins de l’ordre de 40 000 tonnes. Durant la période la plus considérable, par exemple pour l’année 1909, il fut produit 1 741 tonnes de métal et 422 tonnes d’oxyde.
Nous ne reviendrons pas sur la description de Marie Grenier concernant le procédé archaïque de fonte du minerai d’Antimoine réalisé au cours du XVIIIe siècle. Nous retiendrons plutôt l’origine du mot Antimoine dont Marie Grenier nous rappelle l’étymologie comme, en général, on voudrait encore la considérer ces dernières années.
En effet, le mot Antimoine aurait donc remplacé celui de Stibi, nom gallo-romain de cette substance métallifère, à la suite des travaux d’alchimie et de médecine du moine Basile Valentin au XVe siècle qui s’occupait d’alchimie comme tous les moines savants du Moyen Âge.
Le célèbre bénédictin, en recherchant la Pierre Philosophale ou l’élixir de longue vie, aurait donné un jour par mégarde ses remèdes aux pourceaux du couvent ; ceci violemment purgés engraissèrent aussitôt. Pensant rendre plus parfaite la santé de ses frères en religion, cet adepte composa diverses potions à base de Stibi ; tous ceux qui en burent en moururent et ce serait à la suite de ces décès que le Stibi aurait perdu son nom pour prendre celui d’Antimoine.
À présent, plus de trois siècles après la disparition de l’alchimiste allemand, nous ne sommes pas du tout certain que ce dernier ait existé. Selon Michel Bréhal, dans son essai sémantique, paru en 1904, le mot « Antimoine » ne supporterait pas la décomposition du genre Anti et Moine. Du reste, au XIe siècle, Constantin l’Africain, médecin à Salermes, employait déjà dans ses écrits le terme « d’Antimonium ».
Marie Grenier offrir un exemplaire dédicacé de sa notice sur l’Antimoine à Laurent Eynac, sénateur de la Haute-Loire, ancien ministre de l’air dans le gouvernement du Front populaire de 1936, lors de sa visite à Brioude en août 1938.
ALMANACH DE 1938
Pages 5 à 13
LA MINE D'ANTIMOINE DE CHAZELLES HAUT
EXPLOITEE POUR ARGENT AU XIIIe SIECLE
PAR LE DOYEN DU CHAPITRE DE BRIOUDE
D’après la traduction d’une convention en latin, par Marie Grenier : « Gallia Christiana, T. II, Instrumenta Ecclesiae Sri Flori, col. 144 », nous apprenons l’existence d’une mine d’argent au Moyen Âge, sur le territoire de Chazelles, paroisse de Saint-Just près Brioude.
Ce document est une convention passée le samedi après la fête de l’exaltation de la Sainte-Croix (septembre 1277), entre le Chapitre de Saint-Julien de Brioude et Itier de Rochefort. Selon Marie Grenier, le Doyen du Chapitre, Itier de Rochefort mourut le quatrième jour des calendes d’août 1278, en pleine exploitation, la mine ne dura guère après sa mort. Hormis ce contrat, nous ne connaissons pratiquement aucun renseignement complémentaire sur la période moyenâgeuse de cette mine.
En 1985, lors d’une prospection méthodique des rares vestiges laissant supposer l’existence d’une ancienne exploitation à Chazelles-Haut, je prélevai avec stupéfaction un mobilier gallo-romains, parmi, effectivement, des échantillons d’un minerai Argentifère, en l’occurrence de la Semseyite ; voir à ce propos « Découverte d’un Habitat Gallo-romain et d’une Minéralisation Argentifère à la mine d’Antimoine de Chazelles-Haut, commune de Saint-Just près Brioude », Guy Pegere, Almanach de Brioude 1989.
Jusqu’à cette époque, l’archéologie minière n’avait seulement révélé l’existence que de deux autres gisements exploités par cette civilisation, en raison du caractère de leurs filons dits télescopés, à Sulfosels (Semseyite-bournonite) ayant pour gangue de la Barytine, (mine de la Rodde près d'Ally et les Minières près Massiac), compris dans une répartition spatiale de filons à Stibine ayant du Quartz pour gangue.
Dans sa court note, Marie Grenier évoque une nouvelle reprise d'activité, une brève durée, concernant la mine de Chazelles-Haut pour Antimoine, dans la fin du XIXe siècle, sur le filon de la Mine-Jeune ou du Ceroux à 800 mètres en amont de Chazelles-Haut. C'est à Chazelles, en 1827, que Berthier de l'Institut devait donner la composition de l’Antimoine de Chazelles : celui-ci se révéla être un sulfure double par la présence du fer. Désormais, on appellera ce minerai d’Antimoine, d’une couleur plus brunâtre en raison de la présence de fer : « Berthiérite », bien que précise à ce propos Marie Grenier, ce savant l'avait d’abord nommé « Haidingerite » en souvenir d’Haidinger.
Dans les vitrines du « Géological Muséum » de Londres, de l'Antimoine en provenance de la mine de Chazelles est déposé ainsi que de la Chapmanite du filon de la Bessade à Mercœur. Ce silicate de fer et d'Antimoine, d'un joli vert-jaune intense, dont les gisements sont extrêmement rares dans le monde, a pu être retrouvé est décrit pour la première fois en France dans ce gisement près de Mercœur. La mine de Chazelles posséderait encore selon Marie Grenier de la Cervantite. Oxyde d'Antimoine pouvant nous paraître banal, mais assez remarquable à Chazelles sous forme de cristaux aciculaires avec des incrustations jaune-soufre et jaune-isabelle.
Nous en terminerons avec notre brivadoise, passionnée de science sur « l’étude de la terre », mais encore passionnée d’art et de traditions locales, en regrettant qu’elle n’ait pas pu nous faire partager plus longtemps ses connaissances géologiques concernant nos contrées, à savoir une notice de Paléontologie sur les nombreuses découvertes d’alors des gisements fossilifères. La paléontologie est aussi une discipline fondamentale de la géologie sur l’étude des êtres disparus et l’évolution de la vie. D’ailleurs, dès 1859, G. Leyell publia en Angleterre son traité sur « L’ancienneté de l’homme prouvée par la géologie ».
Pour notre part, il est nécessaire pour aller au croisement des chemins du savoir, d’actualiser ses travaux (de façon honorable suivant les critères du temps) de nouvelles considérations géologiques, à la satisfaction, nous l’espérons, du lecteur. Marie Grenier méritait aussi d’être située par rapport à ses contemporains régionalistes que nous pourrions appeler « savants populaires », (sans avoir été académiciens, ils ont néanmoins de grands mérites, passionnés comme elle « d’études de nature » ; c’est dans cette perspective qu’ils ont été mentionnés.
Incontestablement, Marie Grenier restera la mémoire vivante pour la région de toutes les générations ayant vécu au XIXe et aux premières décennies du XXe siècle, dans le contexte économique d’alors, où l'on était sensible aux moindres indices des substances minérales qui pouvaient s’avérer utiles. Au cours de ces décennies, on portait, il est vrai, un vif intérêt aux « choses de la mine », dans une France jusqu’alors agricole, encline désormais à une ère nouvelle pour le développement industriel que nous lui connaissons.
J’avais le sentiment depuis maintenant quelques années, qu’il fallait nécessairement remettre en mémoire le souvenir de la minéralogiste brivadoise, en espérant le perpétuer dans le temps, d’une « ténacité dur comme pierre ». C’est en partie chose faite, pensons-nous, en adressant notre « in mémoriam » à cette femme au destin hors du commun, qui a, tout en marquant ses années géologiques, honoré les premières parutions de l’Almanach de Brioude, d’un choix judicieux de sujets intéressant le plus grand nombre de lecteurs de ce précieux organe littéraire, devenu au fil des ans une enrichissante encyclopédie des connaissances sur le brivadois, d'une valeur culturelle ne restant plus à démontrer.
Guy PEGERE
Membre de la Société
Géologique de France.
Membre de la Confédération Française
des Acteurs des Sciences de la Terre.
NOTES
- À propos de la dérive des continents dans la cinquième édition de 1912, du manuel de géologie scolaire, classe de quatrième A et B, intitulé « Histoire de la terre », sous-titré (phénomènes actuels), E. Aubert, professeur au lycée Charlemagne à Paris, ne faisait pas encore allusion à la tectonique des plaques. Il traitait seulement, dans son paragraphe sur « les mouvements lents de l’écorce terrestre », les phénomènes d’exhaussement et d’affaissement.
- Du pseudonyme « Marga » hérité de la famille de son père. Il était d’usage autrefois, notamment dans nos campagnes, d’accorder un sobriquet pour désigner les familles de même patronyme.
- Mes remerciements à Mme et M. Joubert de Lempdes, enseignants honoraires de l’école publique, de leur compréhension pour la réalisation de cette note. Mme Joubert, mais Louise Michon, est la nièce de Marie Grenier.
- Albert Masseboeuf, « Comment visiter Brioude », « Almanach de Brioude 1990 ».
- Personnellement, j’ai prélevé des tuiles à rebords à Lauriat ainsi que des fragments d’une colonne en marbre de 30 cm de diamètre, en provenance de cette localité, parmi des tegulae du site gallo-romain de la Fontaine Saint-Julien de Brioude. Cette colonne fut certainement utilisée, soit pour un ancien portique recouvrant la source, où le soutènement de terrasses, ou bien encore le support d’une toiture protégeant de la chaleur en été, le long des allées de jardin. Architecture employée notamment à l’époque impériale Romaine.
Note complémentaire :
Marie Grenier
Minéralogiste du Brivadois
(1877-1945)
De mon Memoriam à ma note sur Marie Grenier publié dans l’Almanach de Brioude (1991). J’avais brièvement évoqué, dans le sujet, qu’elle avait perdu l’usage de la parole le lundi de Pâques parce qu’elle avait préparé un rôti le Vendredi saint. Depuis ce jour, elle ne s’exprime plus qu’à l’aide d’une ardoise. Selon la rumeur… en cette solennelle journée, Marie Grenier avait pour tradition de faire cuire un pâté de viande dans le four de son boulanger, pour le manger à sa fenêtre au su est au vu de tout le monde.
Un courrier de Marie Grenier adressé à Jacques Geffroy en 1943, qui me fut retransmis par mon collègue et ami minéralogiste Christian Baillargeat-Delbos (grand ami de Jef, né en 1918 et décédé à Paris en 1993), Marie Grenier nous éclaire sur son handicap qui serait lié à une attaque cérébrale survenue le 5 avril 1926.
Marie Grenier avait fait parvenir à Jacques Jeffroy, un exemplaire de sa notice sur « l’Antimoine ses Mines d’Auvergne - son emploi », publiée en 1936 dans l’Almanach de Brioude. Suite aux remerciements de Jacques Jeffroy, la minéralogiste lui adresse une longue lettre, en lui faisant part de son bonheur à sa venue sur Brioude et qu’elle lui montrerait avec plaisir sa collection. La minéralogiste Brivadoise l’informe de sa santé, ainsi que de sa paralysie qui lui priva de l’usage de la parole, « …quelque effort que je fasse, écrit-elle, je n’ai jamais pu prononcer le mot « non » ... J’ai écrit trois ans de ma main gauche et suis restée un an au lit. Les mouvements sont revenus peu à peu et j’ai commencé à sortir après 3 ans et j’ai pu faire mon ménage après 5 ans et put faire quelques excursions de temps en temps… ».
Une autre insuffisance dans ma note et que, Marie Grenier disposait sur le mur de sa cuisine face à la fenêtre une grande affiche de Louise Michèle visible de la rue. La minéralogiste rencontrait beaucoup de railleries ont la pasquinade du même surnom que cette figure majeure de la Commune de Paris « la Vierge Rouge », elle se proclame aussi Internationaliste dans l’âme.
Très bonne Latiniste, sa scolarité c’était pour suivie en Institution religieuse de Brioude, ses travaux de minéralogie lui feront obtenir un Prix par l’Académie des Sciences. Célibataire est sans descendance directe elle sera enterrée au champ commun du cimetière de Brioude. Il n’y a plus aucune trace de sa tombe sur cette terrasse alluviale de l’Allier, son oubli est profond.
Je ne suis toujours pas parvenu à connaître la destinée de ses correspondances, de sa bibliothèque ni de sa collection après sa mort en 1945. Toutes ses années de géologie ont été marquées par la grande période minière de la région. Dans sa lettre, de très mauvaise écriture en raison d’avoir seulement l’usage de sa main gauche, on parvient néanmoins à lire qu’elle possédait de bons spécimens de diverses mines. Entre autres des échantillons de la mine de La Rodde (Ally) fournis par son beau-frère Ingénieur chimiste avant sa fermeture en 1902.
Suite aux Journées du Patrimoine que j’avais organisé en septembre 1996 sur le thème « des Anciennes Mines d’Antimoine du Brioude-Massiac », j’avais sollicité de Christian Baillargeat-Delos de nous remémorer le Grand Jef. Au cours de sa carrière de prospecteur il c’était souvent rendu aux mines d’Antimoine du District Brioude-Massiac. En pleine guerre il visita, en 1943 avec son épouse, la mine de Freycenet (Ally) ou travaillé des réfractaires au service de travail obligatoire en Allemagne (STO), en réalité ils participaient clandestinement aux opérations de la résistance.
Dans son brillant exposé plein d’émotion avec ses vifs souvenirs, Christian nous fit découvrir ce singulier personnage qui fut : Ingénieur géologue au Commissariat à l’Énergie Atomique, enseignant au Centre International d’enseignements en prospection et valorisation des minerais Radioactifs Industriels et auteurs et coauteur de nombreuses publications.
Christian nous souligna une personnalité hors du commun, au caractère fort avec une intelligence vive, qui savait captiver, avec une tournure d’esprit fascinante. Jacques Geffroy ce personnage atypique avec son vieux chapeau de feutre, son pantalon de velours et chaussé de bottes était très remarqué quand il se déplace sur sa vieille pétaradante Koehler-Escoffié des années 50. Cette silhouette si familière fut néanmoins une grande figure de la minéralogie du XXème siècle, il visita en France, en Europe et à travers le monde un nombre considérable de mines métalliques. À mon grand regret je ne l’ai pas connu, mais croisé aux dires de mon ami Jean-Jacques Périchaud, Ingénieur géologue responsable de l’antenne du B R G M de Massiac et de Claude Bénézit Maître-Mineur de la mine d’Ouche. Ils m’ont parlé de sa jovialité et de s’on amitié assidue à chacune de ses virées en Auvergne. Farceur, toujours plein d’humour il avait coutume de dire « l’Antimoine ma danseuse », oserons-nous croire à un brin de malice avec l’admiration qu’il portait à la compétente minéralogiste Brivadoise Marie Grenier.
À Lire : Un Géologue au XXème Siècle : Jacques Geffroy (1918-1993) de L ’Auvergne au Limousin
Christian Baillargeat- Delbos, Éditions d’ALBEDIA Imprimeur à Aurillac (2012).